Interview de Guy Pignard, Plombier, installateur de salles de bain


Vous avez créé votre entreprise individuelle en 1996. En quoi consiste votre activité ?

Ma principale activité est plombier - gazier. Mais j'utilise également des techniques relevant d'autres corps de métiers : électricité, menuiserie, carrelage, etc.. Je suis spécialisé en création de salles de bain.

La première rencontre avec le client consiste à l'écouter. Lors de la deuxième étape, nous définissons ensemble ses vrais besoins. L'étape suivante est la conception de la salle de bain. Vient ensuite celle du chiffrage : établissement du devis en séparant bien les fournitures de la main d'œuvre afin d'être très souple et de pouvoir modifier les choix de fourniture.

L'exercice de votre activité nécessite-t-il des diplômes spécifiques ?

Oui, avant de créer mon entreprise, j'ai passé un CAP de plombier. Après mon immatriculation, sachant que je voulais me spécialiser dans tous les métiers qui concernent la salle de bain, j'ai obtenu les agréments PGN, PGP : Professionnel du gaz naturel, et Professionnel du gaz propane. Il s'agit d'agréments qui permettent la certification des installations. Le professionnel qui installe ce type d'équipement doit connaître un certain nombre de normes.

Je suis également agréé "Gaz de France", c'est-à-dire que j'ai suivi des stages auprès de Gaz de France pour souder avant et après compteur. Je dois suivre ce stage tous les trois ans.

Le fait de maîtriser les techniques liées au gaz permet de ne pas interrompre mes chantiers. J'ai les compétences nécessaires pour résoudre les problèmes techniques.

Qui délivre ces agréments ?

De stages "PGN, PGP" sont organisés par des syndicats professionnels qui délivrent ces agréments.

Devez-vous renouveler votre demande ?

Oui, tous les ans je paie une cotisation et renouvelle ma demande auprès du syndicat professionnel. Pour obtenir le renouvellement de l'agrément, l'artisan doit également avoir une assurance décennale.

Depuis le démarrage de votre entreprise vous avez donc gardé la même activité.

Oui, mais elle évolue au fil du temps grâce à une formation constante. Je suis régulièrement de petits stages qui concernent la salle de bain comme ceux traitant de la lumière, des espaces ou de la sécurité. Ainsi, par exemple, je suis maintenant conseiller "Vélux". Le public est de plus en plus exigeant. Il faut donc se perfectionner dans tous les domaines pour offrir une prestation complète.

Etre compétent dans tous les domaines, dans tous les corps de métiers. Est-ce là votre positionnement ?

Oui, en effet. Au lieu de traiter avec un électricien, un menuisier, un plombier etc, le client n'a qu'un seul interlocuteur. Cela représente beaucoup moins de contraintes pour lui. Je peux néanmoins embaucher une ou deux personnes si nécessaire.

J'ai choisi cependant de ne pas faire la peinture.

Pourquoi ?

Tout d'abord pour des raisons de savoir-faire : la peinture n'est pas mon métier. Ensuite, il y a des raisons liées aux problèmes techniques et financiers : il faut attendre que les plâtres sèchent avant de peindre. Le dernier versement du client, le solde, serait donc reculé, puisqu'il intervient en fin de chantier.

Est-ce que vous avez identifié des concurrents ?

Non, du fait de ma polyvalence je n'ai pas de concurrent dans le milieu artisanal. La concurrence viendrait plutôt de sociétés qui proposent des créations de salles de bain ou de cuisines en faisant intervenir en sous-traitance une dizaine de corps de métiers.

Comment vous faîtes-vous connaître ? En distribuant de petits prospectus dans les boîtes aux lettres par exemple ?

Les publicités distribuées dans les boîtes aux lettres concernent en général des réparateurs. Moi je ne fais pas de dépannage. Je réalise des installations neuves. C'est différent, ce ne sont pas les mêmes outils. Ce ne sont pas les mêmes contraintes de temps. Je ne peux pas faire les deux en même temps.

Je fais très peu de publicité. J'en ai sur mon camion. En fait, ma meilleure publicité c'est le bouche à oreille, c'est à dire la qualité de mon travail.

Avez -vous eu des clients dès votre démarrage ?

Oui, quand je me suis lancé j'avais des clients potentiels, et mon carnet de commandes a été plein tout de suite. Cela continue toujours.

Qui sont vos clients actuels ?

Des femmes essentiellement. Car, ce sont elles en général qui prennent la décision de refaire la salle de bain. D'ailleurs, on peut dire que c'est le cas pour tous les travaux de la maison.

Mes clients sur Paris ont un revenu compris entre 20 et 80 000 F et ont des métiers très variés. En province, ma clientèle est essentiellement composée de professions libérales.

Lors de la création de votre entreprise avez-vous été « accompagné », conseillé ?

J'ai bénéficié des chèques conseils. J'ai appris à faire de la gestion dans un centre de gestion. Cela m'a permis de comprendre ce qu'est la comptabilité et de savoir que je préfère maintenant m'en décharger. Je continue à gérer ma trésorerie sur ordinateur et le reste est pris en charge par le comptable. Cela m'a permis de bien préparer son travail, de bien comprendre comment les choses se dépensent et s'achètent. C'est très important pour moi.

Auparavant, j'avais lu quelques livres qui m'ont apporté une information simple mais importante.

Donc aujourd'hui vous avez un expert comptable et vous êtes adhérent d'un centre de gestion.

Oui, depuis un an seulement. Aujourd'hui mon bénéfice a augmenté. J'ai intérêt à passer par un centre de gestion pour bénéficier d'une baisse d'impôt.

Je donne les éléments au comptable qui est lui même en relation avec le centre de gestion.

Un comptable ne vous fait pas perdre d'argent. En principe, il vous en fait plutôt gagner. Si c'est un bon comptable, il va vous dire d'orienter votre entreprise dans telle direction pour dépenser moins. Moi, je suis content de mon comptable. Je le paie 8000 FHT par an. Je trie bien mes documents, ce qui réduit son temps de saisie. Cette somme correspond à la saisie, à la prise en compte des écritures (c'est à dire 2500 écritures) et bien sûr au bilan à la fin de l'exercice.

Quelles ont été pour vous les difficultés les plus importantes, avant de créer ? Au moment du lancement de votre activité ? Et aujourd'hui ?

Avant de créer, le plus difficile a été de prendre la décision de se lancer. Le choix du statut et les démarches administratives m'inquiétaient. La difficulté était de définir mon projet .

Au moment de créer, c'est assez simple. On va au CFE, on s'inscrit à la Chambre de métiers. Les démarches se font assez automatiquement.

Après avoir créé, il est très difficile d'embaucher. Il y a tous les organismes sociaux à contacter. C'est très complexe..

Maintenant le problème qui se pose concerne l'équilibre des comptes car plus on avance et plus les charges à payer sont importantes.

Puisque nous parlons d'argent, quel a été le budget nécessaire au lancement de votre activité ?

Je n'avais pas besoin de grand chose puisque j'avais déjà des clients qui m'attendaient. C'était un avantage et cela m'a encouragé à ouvrir. J'avais un petit véhicule et quelques outils qui me venaient de mon père qui avait été plombier. J'avais également un ordinateur. Mais surtout j'avais des clients pour démarrer.

Quel en a été le financement ? Apport personnel, aides, prêts bancaires, '

J'ai eu de la chance parce que j'ai bénéficié de l'ACCRE : à l'époque 32 000 F plus une exonération des charges sociales. C'était très intéressant parce que je savais que j'aurais à changer de camion assez rapidement !

Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la répartition de votre temps entre vos différentes tâches ?

Je dirais presque 50/50 entre la gestion et le travail productif. Il faut savoir gérer, acheter, compter, se vendre, entretenir le contact avec le client et' travailler.

Avez-vous souscrit des contrats d'assurances obligatoires ou facultatifs liés aux risques spécifiques de votre activité ?

Les assurances représentent une catégorie de charges. Il y a l'assurance décennale, qui est très chère. Les tarifs se négocient et il faut savoir qu'il est très difficile de souscrire une assurance lorsque l'on est créateur d'entreprise.

Lorsque j'ai démarré, avant d'avoir un CA, le premier tarif était de 7000 F. Le montant augmente tous les ans, aujourd'hui je paie 10 000 F. C'est la compagnie la moins chère que j'ai trouvée sinon cela tourne plutôt dans les 18 à 20 000 F. La responsabilité civile est également couverte. Il est nécessaire de préciser les activités que l'on souhaite assurer.

Avez-vous d'autres assurances ?

Oui, il y a l'assurance du véhicule. Il est difficile de trouver une assurance qui couvre le risque de vol de matériel.
J'ai également pris une assurance complémentaire maladie.

Pouvez-vous nous donner des éléments d'informations relatifs à votre CA, vos charges ?

La première année, mon bénéfice a représenté 3 % de mon CA. Chaque année mon CA augmente, aujourd'hui je suis à 12 %.

Concrètement, sur un CA de 530 000 en 1999, j'ai eu un bénéfice de 70 000 F.

Je dois prévoir de payer : les charges sociales, le personnel (CDD, intérimaires), les matériaux, sanitaires (39 % du CA), les loyers, les impôts, la taxe de la Chambre de Métiers, les frais bancaires, le camion (crédit bail + frais), le matériel et les frais divers.

Avez-vous d'autres activités ?

Oui, je donne des cours au Greta, ce qui me permet bien sûr de compléter mes revenus mais je le fais surtout par envie de transmettre le métier.

Quelles sont vos relations avec votre environnement professionnel ?

Je me renseigne beaucoup. Les apports individuels d'information sont importants. Je veux parler des discussions entre artisans : solutions techniques, choix des fournisseurs, charges à réduire, etc '

J'ai également de bonnes relations avec les fournisseurs. Je ne me fournis pas forcément chez les moins chers. J'ai trouvé des fournisseurs corrects avec des vendeurs compétents. D'une façon générale, j'ai plus une relation de compétence avec les gens qui travaillent avec moi. Je cherche avant tout la qualité.

A propos de vos relations avec les organisations professionnelles ?

J'adhère à la CAPEB. Les services proposés peuvent être très efficaces. C'est le cas pour le service formation de la CAPEB de Montpellier. Il organise des stages très courts et très riches. Les cours sont assurés par des professionnels, souvent des compagnons. Sur un autre plan, j'ai en ce moment le projet d'embaucher un jeune en contrat de qualification. C'est la CAPEB qui va gérer le dossier.

Quel regard avez-vous aujourd'hui sur votre nouvelle situation ?

Je ne pense pas avoir fait beaucoup d'erreurs. Je connaissais un certains nombre d'artisans autour de moi et j'ai donc été très prudent notamment avec les charges à payer et les frais de fonctionnement.

Quand on est artisan, on n'a pas beaucoup de temps pour ses loisirs mais on a l'avantage de faire ce que l'on a envie de faire, de gérer ses heures. On doit rendre énormément de comptes et gérer les frais au quotidien. Je m'organise donc pour prendre du temps pour moi, pour mes vacances 'malgré les charges qui courent.

Quel message souhaiteriez-vous adresser à un ami qui voudrait se lancer dans la même activité que vous ?

Avant d'ouvrir son entreprise il faut avoir certaines capacités, en particulier des capacités de gestion et de contact, sinon il ne faut pas se lancer.


Entretient réalisé par Catherine Sid en juin 2001 pour le compte de l'APCE.

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